La problématique de l’homo/bi/transsexualité dans les littératures d’Afrique subsaharienne

07/04/2012 : « A Look at LGBT Literature in sub-Saharan Africa »

Zahrah Nesbitt-Ahmed publie un très riche article consacré à la question de l’homo/bi/transsexualité dans les littératures d’Afrique subsaharienne.

A partir de plusieurs ouvrages, celle-ci retrace certains grands axes d’une thématique qui se fait un peu plus présente dans les récentes productions romanesques, néanmoins essentiellement issues d’Afrique du Sud.

Z. Nesbitt-Ahmed s’appuie sur le travail de Daniel Vignal et Chris Dunton qui ont étudié la question. Pour ses recherches, D. Vignal a analysé 23 romans : Ayi Kwei Armah (Two Thousand Seasons , 1973), Kofi Awoonor (This Earth, My Brother, 1971), Wole Soyinka (The Interpreters, 1973) et Yulisa Amadu Maddy (No Past, No Present, No Future, 1973). Dans ces oeuvres, ce dernier observe que pour la majorité des gens, l’homosexualité a exclusivement été introduite par les colonisateurs ou leurs descendants ; sinon par des étrangers de tous horizons ; arabes, anglais, français, métisses, etc… Il est difficile pour ces romanciers de concevoir que l’homosexualité ait pu être pratiquée par un africain noir. Les romans étudiés par C. Dunton incluent leu Devoir de violence de Yambo Ouologuem’s Bound To Violence (1971), Awoonor et son This Earth, My Brother (1971), Maddy pour Our Sister Killjoy (1977), Mariama Ba pour Scarlet Song (1985) et Soyinka pour The Interpreters.

Dans la plupart de ces derniers romans, souligne le chercheur, l’homosexualité est dépeinte de manière négative. Dans le recueil de nouvelles d’Edia Apolo Lagos Na Waa I Swear, une relation entre femmes est dépeinte comme absolument répugnante, non-africaine et improbable. Dans Two Thousand Seasons, Armah décrit l’homosexualité comme une pratique des musulmans du désert, qui ont, les premiers, développé l’esclavagisme. Dans This Earth, My Brother, le domestique Yaro quitte son maitre blanc parce que celui-ci veut faire de lui une femme.

Quelques romans n’abordent cependant pas l’homosexualité sous son aspect négatif, ou comme une conséquence directe du contact entre l’Afrique et l’Occident. Le roman de Yulisa Amadu Maddy, No Past, No Present, No Future (1973) fournit un bon exemple : le récit suit les vies de trois africains qui émigrent en Europe. Un des personnages, Joe Bengoh, est homosexuel et le roman ne parlera pas seulement de ses premières expériences avec un prêtre missionnaire, mais étudie aussi les préjugés de ses deux amis à son égard – ils voient l’homosexualité comme une maladie, moralement inférieure et en conséquence le rejettent. A la fin du roman, néanmoins, Joe est le seul des trois que l’acceptation de soi ne conduit pas à sa propre destruction.

Un autre roman de Maddy, Our Sister Killjoy, traite ouvertement du fait d’être lesbienne. Un exemple plus récent est Tendu Huchai, qui a écrit Hairdresser of Harare (2010), qui raconte l’histoire d’un jeune homme forcé de mener une double vie pour ne pas subir les conséquences d’être homosexuel au Zimbabwe de Mugabe.

Bien qu’une étude exhaustive de la thématique homosexuelle dans les littératures africaines soit impossible, remarque Zahrah Nesbitt-Ahmed, les différents travaux évoqués dans le présent article rendent comptent d’un net développement du nombre de romanciers noirs africains, en plus des romanciers sud-africains blancs, à aborder ces questions, à l’image de K. Sello Duiker, dont l’œuvre étudie en plus des problèmes de classes et de races. L’auteur de l’article mentionnent encore quelques écrivaines évoquant les questions liées à la sexualité féminine.

Par leur seule présence sur la scène littéraire, ces œuvres remettent en question des visions stéréotypées de l’homosexualité. Cependant et malgré des progrès notables, Zahrah Nesbitt-Ahmed considère qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour que ces sujets cessent d’être tabous : les écrits issus du reste de l’Afrique subsaharienne se font encore assez rares, de même que les thématiques lesbienne et transsexuelle, qui demeurent cantonnées à l’invisible.

D’après un article de Zahrah Nesbitt-Ahmed publié sur le portail Web « Gender Across Border ».

Ce billet est également publié sur le portail Web de la revue Africultures (en lien).

 

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