« On n’écrit pas pour être connu »

Entretien de Raphaël Thierry avec Mohamadou Modibo Aliou.

Publié dans Mosaïques, arts et cultures d’Afrique, n°40, avril 2014, p. 8-9.

Qui est Mouhammadou Modibo Aliou ? Quel est son parcours ? Comment a-t-il été entrainé dans l’aventure littéraire camerounaise au début des années 1970 ?

Et bien je ne sais pas s’il y a vraiment un parcours car, à bien y regarder, il s’agit plutôt d’un tout petit chemin. L’idée d’écrire est venue très tôt. Je suis issu d’un milieu d’intellectuels -du point de vue traditionnel- qui attache une importance particulière à l’écrit. Je dirais que c’est au collège de Garoua, à partir du contact avec les auteurs africains d’expression française et grâce à un très bon professeur. On ne sait pas pourquoi on écrit, sans doute pour mille et une raisons. Si je devais chercher un élément rationnel, j’y verrais le fait que ma ville se trouvait à 500 km du lieu où j’ai été au collège, dans un régime d’internat où je ne connaissais absolument personne. La seule chose que je faisais le samedi ou le dimanche était de lire des livres. J’avais un ami en classe de cinquième, on se mettait au bord du terrain de sport et on lisait, un jour cet ami m’a montré un ouvrage : c’était L’enfant noir de Camara Laye. J’ai regardé, et il m’a dit « Maloum, il y a un professeur ici qui a des livres écrits par des Africains, de très bons livres ». Et c’est comme ça qu’il m’a mis en contact avec Roger Labatut. Nous allions prendre des livres dans sa bibliothèque. Il y avait pratiquement tous les auteurs francophones. Je pense que tout vient un peu de là. Par la suite je me suis mis à écrire, comme tout adolescent j’avais mon journal. Plus tard, quand j’étais à Yaoundé pour le lycée, j’ai envoyé mes poèmes, c’était en 1971, l’année où je passais le bac. Je savais qu’il y avait la revue Ozila, et j’ai donc remis mes poèmes à Max Dippold que j’avais connu par l’intermédiaire de Philippe Laburthe Tolra, si je me souviens bien. Dippold a donc regardé mes poèmes, et il a accepté de les publier.

C’est donc là l’origine de votre implication dans la vie littéraire camerounaise ?

Tout à fait.

À partir de votre parcours d’intellectuel, comment avez-vous pu (et pouvez-vous encore) mesurer l’indépendance du Cameroun ?

À l’époque nous étions tous conscients qu’il n’y avait pas d’indépendance ; tout intellectuel en était conscient. Il faut aussi dire que les personnes originaires du Nord avaient une position très délicate dans ce régime : nous étions surveillés, on nous avait toujours à l’œil. Mais nous étions tout de même « éduqués ». Le collège de Garoua était ainsi et vraiment un établissement qui a formé l’élite du Nord Cameroun ; nous étions très fiers d’y étudier. À l’époque l’idéologie marxiste circulait beaucoup : il y avait l’impérialisme d’un côté qui exploitait les personnes et de l’autre on se retrouvait à un régime néocolonial, nous vivions dans un régime autoritaire, à parti unique. Dans ce contexte nous étions conscients de constituer une certaine élite. Que pouvions-nous faire là-dedans ? On voyait les choses, on ne pouvait pas les changer et on était dedans. C’était toujours comme ça. Pour parler de l’indépendance du Cameroun aujourd’hui, pour ma part je suis ici (en France, ndlr), depuis décembre 1975, donc je connais très peu le Cameroun […]

[Lire la suite de l’article publié dans le mensuel Mosaïques, arts et cultures d’Afrique, n°40, avril 2014]

 

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