Marginalités éditoriales camerounaises

Illustration : « Yaoundé » (crédits : Ludwig Tröller, certains droits réservés)

 

ne pas se contenter de relater ce qui a été, mais contribuer à modeler ce qui devrait être

[…] Au moment de son indépendance en 1960, le Cameroun voit naitre tout un environnement éditorial et littéraire. Le jeune État, qui souhaite se doter de moyens de production, soutient le développement de structures comme la revue Abbia, l’Association des Poètes et Écrivains du Cameroun (APEC), le Centre d’Édition et de Production de Manuels et d’Auxiliaires de l’Enseignement (CEPMAE), les éditions Clé et, plus tard, le Centre Régional d’Édition et Publication du Livre Africain (CRÉPLA). Sans revenir sur l’ensemble de ce processus de construction, je retiendrai deux éléments moteurs de l’émergence éditoriale camerounaise :

–    La présence importante de la coopération internationale (France, fondations américaines, Unesco).

–    La volonté de l’État camerounais d’élaborer une identité culturelle nationale.

Concernant les manuels scolaires et en dépit de la création du CEPMAE, le Cameroun ne sera pas en mesure d’assurer l’ensemble de ses besoins, comme le révèle une note de Jean-Louis Buchs datée d’août 1963 réalisée pour l’Unesco ; il déplore : « Le manque de personnel et de matériel adapté ainsi qu’une mauvaise organisation ne permettaient pas une production normale de manuels » . En conséquence, l’édition étrangère – française en tête – viendra suppléer aux déficiences du CEPMAE. Ceci rejoint le paradoxe de la mise en place d’un système éducatif sous ‘perfusion’ étrangère au moment des Indépendances africaines.

 

Considérant que le marché scolaire participe en grande partie à la stabilisation d’une industrie nationale du livre, je m’interroge alors au sujet de la situation de l’industrie du livre au Cameroun, dont l’émergence a été, d’une part, pilotée par un organisme international (l’Unesco) et, d’autre part, accompagnée par l’implantation d’une édition exogène. En dépit de ces difficultés, il y aura cependant une émergence structurelle nationale, dont l’expérience de la « revue culturelle camerounaise » Abbia est tout à fait représentative. Celle-ci voit le jour en 1963 sous la direction de Bernard Fonlon. Quarante numéros paraitront trimestriellement, puis annuellement, entre février 1963 et mai 1982, avec pour devise de « ne pas se contenter de relater ce qui a été, mais contribuer à modeler ce qui devrait être ». Inspirée de Présence Africaine, Abbia se donne pour mission de « promouvoir une renaissance culturelle camerounaise contribuant au projet d’unité nationale et favorisant la visibilité d’une culture littéraire camerounaise dans d’autres régions du monde ».

En filigrane de ce propos se dessine également la volonté de contrôle du jeune gouvernement sur ce qui est publié au Cameroun. Bilingue anglais-français, la revue est éditée par un comité de rédaction composé d’intellectuels camerounais anglophones et francophones, et d’universitaires étrangers, parmi lesquels Marcien Towa, Eldridge Mohammadou, Lylian Kesteloot, Engelbert Mveng, Sankie Maimo, Gaspard Towa-Atangana (Bjornson, 1991 : 174) […]

[Lire l’ensemble de l’article (dans sa version de travail) sur Academia]

 

 

Ce billet est extrait d’une version de travail soumise en septembre 2015 pour publication dans les actes de la journée d’étude du Groupe de Recherche sur l’Imaginaire de l’Afrique et de la Diaspora (GRIAD) « Écritures émergentes et nouvelles marges au Cameroun » (5 juin 2015), sous la direction de Pierre Fandio : http://apela.hypotheses.org/669