Quelques points sur le livre, les écrivains et les lecteurs au Cameroun

Les écrivains

– Le premier problème que rencontre l’écrivain est qu’il faut d’abord être un peu connu pour pouvoir être publié. Arriver à obtenir un contrat d’édition est très difficile pour un écrivain qui n’est pas encore « dans les réseaux », car face aux difficultés de commercialisation des livres, il est compréhensible que les éditeurs ne prennent pas de risques ni de paris hasardeux.

La France est considérée – souvent à tort – comme un « eldorado littéraire » : on enverra d’abord son manuscrit chez des éditeurs français avant de se « rabattre » sur l’édition locale.

– Le seul moyen d’édition pour des écrivains pas encore publiés et ayant été confrontés au refus éditorial reste le plus souvent l’auto-édition, mais c’est surtout dans le milieu universitaire que les gens prennent encore le risque d’imprimer et de mettre sur le marché un livre, sans vendre d’ailleurs beaucoup d’exemplaires. Cette démarche d’auto-production est plus un défi pour l’auteur : le moyen d’offrir un support solide à son ouvrage, une conservation du manuscrit, de lui assurer si ce n’est une diffusion, du moins une survie « matérielle ».

– Il faut aussi préciser que, face aux participations sur la fabrication demandées et au faible pourcentage sur les droits d’auteurs, certains écrivains dont le manuscrit aurait pu être accepté préfèreront se lancer dans la coédition, étant ainsi les seuls tenants des recettes sur des ouvrages dans les marges de l’informel, non référencés et n’appartenant à aucun circuit « officiel » du livre.

– Par ailleurs, l’auteur publié sur place est généralement forcé de s’impliquer directement dans la diffusion de son texte, pour compenser le manque de moyens des éditeurs locaux.

Lecteur(s) / lecture(s)

– Il n’existe pas, au Cameroun ou ailleurs, une seule manière de lire, une seule manière d’être lecteur. Lecture scolaire, universitaire, lecture plaisir, lecture de recherche, lecture de prestige sont autant de manières différentes d’ouvrir un livre, de penser son acte de lecture.

– Des villes comme Dschang ou Bamenda sont déjà exposés au premier problème : celui de l’accès au livre : très peu d’espaces lui sont dédiés : quelques rares librairies papèteries mal achalandées, l’Alliance franco-camerounaise y est un des rares lieux présentant une variété de livres.

– Dans le contexte d’appauvrissement actuel du Cameroun (le salaire moyen est évalué à environ 26000 FCFA), le livre est un privilège que tout le monde ne peut pas avoir, de même qu’une année universitaire coûte en moyenne 600 000 FCFA, en comparaison du salaire annuel moyen qui dépasse difficilement 300 000 francs CFA… on comprend alors que des études supérieures ne représentent pas une perspective pour tout un chacun au Cameroun. D’autre par, la culture de la lecture, de la simple lecture plaisir/loisir est souvent une abstraction. A travers l’enseignement et la famille, l’éducation à la lecture demeure une denrée rare. Le processus de socialisation au Cameroun ne passe, hélas, pas encore par le livre.

– Le livre comme objet culturel n’est pas très recherché dans l’espace camerounais, le livre prescrit est bien plus un objet de promotion sociale : celle-ci qui permet de réussir ses examens.

– Si la fréquentation des bars ne pose aucun problème à une bonne partie de la population (on ne rappellera jamais assez qu’une bière coûte entre 500 et 1000 FCFA en moyenne), c’est que ceci n’est jamais vu comme un sacrifice financier. Acheter un livre si. Que ce soit au niveau de la cellule familiale ou bien de la scolarité, on n’éduque pas l’enfant à voir le livre non comme un moyen de réussite mais comme un moyen d’enrichissement personnel et désintéressé.

– Ce problème est présent jusqu’à l’enseignement supérieur où la dictée est souvent de mise, les bibliographies exclusivement ornementales, les professeurs affirmant souvent à leurs étudiants que le cours est largement suffisant ; ces professeurs sont ainsi plus proches d’instituteurs. Il faut de plus considérer que l’étudiant arrive à l’université en quittant sont champ social, celui où le livre est le plus souvent remplacé par les nécessités matérielles et financières, il ne sera étudiant que durant son passage à l’université, et abandonnera son bagage culturel une fois la prescription terminée…

– Enfin, car le livre n’est pas qu’une affaire de moyens, on retrouve régulièrement ce poncif : « les gens qui ont envie de lire n’ont pas d’argent et les gens qui ont de l’argent n’ont pas envie de lire » : il y a aussi ce rapport d’éducation, d’estime de l’objet livre qui ne fait que rarement partie des référents socio-culturels camerounais.

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