Plaidoyer pour une reconnaissance de la librairie francophone

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Livres Hebdo relaie un plaidoyer de l’Association Internationale des Libraires Francophones.

Je me permets de citer un paragraphe central de la tribune : « Des libraires à l’étranger peuvent bénéficier d’aides émanant du ministère de la Culture (aides à la librairie francophone du Centre national du Livre, aides au transport via la Centrale de l’Édition, Programme plus). Pourtant, la majorité des instituts français ne représentent pas ce modèle à l’étranger alors qu’ils font partie, en tant que prescripteurs de commandes institutionnelles, de la chaîne économique du livre français. Alors que les responsables d’institutions effectuent des missions à court terme, les libraires les réalisent sur le long terme, ce qui complexifie d’autant une collaboration pérenne. »

Tout en comprenant bien l’importance que représente la librairie francophone pour la représentation de la diversité éditoriale en langue française (mais aussi dans d’autres langues), j’admets toutefois m’interroger au sujet de la dépendance économique des librairies francophones auprès des opérateurs publics français. Je suis par ailleurs un peu dubitatif concernant cette phrase du plaidoyer : « L’exportation de biens culturels est l’un des moyens les plus efficaces de poursuivre une politique d’influence au niveau mondial ». « Politique d’influence » (synonyme de soft power ?) et « indépendance professionnelle » (synonyme de bibliodiversité ?) ne sont-elles pas deux choses antinomiques ?

La coopération culturelle française voit ses crédits diminuer depuis le début des années 2000. Cette situation est particulièrement tangible en Afrique. Se pose alors la question d’un secteur de la librairie francophone sous perfusion française.

 



D’autre part, le schéma de renouvellement constant des équipes des bureaux du livre, médiathèques, instituts français et services culturels des ambassades de France est une substantifique de la coopération française, depuis des décennies. La pérennité des politiques culturelles des postes français est un débat qui est soulevé depuis longtemps. Il est désormais associé à celui de la réduction drastique des budgets d’acquisitions.

Il y a peut-être à mon avis un autre niveau où porter un tel plaidoyer, dont l’importance est évidente : en 2009, Beyrouth (Liban), capitale mondiale du livre de l’Unesco a hébergé la proclamation de la Charte du libraire francophone.

En 2014, Port Harcourt (Nigeria), à son tour capitale mondiale du livre, n’a représenté aucune sorte de tribune pour la francophonie du livre.

Je m’interroge : la librairie francophone doit-elle nécessairement répondre au modèle de la librairie française, dont le soutien par l’État est un impératif, mais qui est tristement dans une situation de plus en plus désastreuse ?

Il me semble que l’Unesco, organisation multinationale, peut porter plus loin les enjeux de la librairie dans l’espace francophone que les seules instances françaises. Pensons que Incheon (Corée du Sud) est la capitale mondiale du livre 2015, en plein cœur d’un continent asiatique qui accorde une place croissante à la francophonie éditoriale et littéraire. D’autres sources de soutien que la seule coopération française ne se dessineraient-elles pas là-bas aussi ? Peut-être bien que les difficultés croissantes posées par les soutiens français représentent en fait une opportunité pour réfléchir à de nouveaux schémas économiques.

Ce billet comme une invitation au dialogue et à la réflexion.

Raphaël Thierry

 

 

 

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[Mise à jour du 22.07.2015]

Ce billet prend une autre résonance au lendemain de la nomination de Conakry (Guinée) en tant que « Capitale mondiale du livre » 2017 de l’Unesco. Cette même année 2017, la France est invitée d’honneur de la foire du livre de Francfort. Entre ces deux évènements, le livre francophone pourrait profiter d’un fameux tremplin, et la librairie francophone s’ouvrir à de nouveaux horizons.

 


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