2- Les principaux obstacles à la production du livre en général en Afrique

L’accès au crédit bancaire. Généralement, les banques ont de la peine à reconnaître à l’activité d’édition un caractère « industriel », et quand bien même elles le font, les conditions d’octroie de crédit sont tout simplement « rédhibitoires ». Surtout lorsqu’il s’agit d’une activité qui nécessite une inscription dans un temps relativement long. Parlant précisément de l’édition des ouvrages scientifiques,  Bertrand Legendre dans son ouvrage, Le métier d’éditeur, remarque que les ouvrages de sciences humaines et sociales « ont généralement une vie commerciale plus longue que ceux de la littérature générale. La rotation lente, mais durable de ces ouvrages constitue à la fois un handicap et un avantage pour les éditeurs ».  Quelles  sont les implications de cette vitesse de rotation dans le plan de développement de l’entreprise éditoriale ?

D’une part, cela signifie pour l’éditeur des sciences humaines et sociales de s’appuyer sur la notion de fonds, d’avoir un chiffre d’affaires suffisamment éloquent pour dégager un fond de roulement assez flexible, capable de supporter des coûts additionnels provoqués par la lenteur dans l’écoulement des produits. Il s’agit de frais de magasin, les frais d’assurances etc.

D’autre part, cette lenteur étire dans le temps les points d’équilibre économique et retarde les retours sur investissement. Ce qui n’arrange ni les négociations avec le bancaire, dont les susceptibilités ont été évoqués plus haut, ni les relations avec l’auteur généralement hanté par un autre type de susceptibilité.

Taxation des intrants. Les intrants nécessaires à la fabrication matérielle des ouvrages, papier, matériel d’imprimerie, encre, solvant, dans nombre de pays d’Afrique, sont assujettis à des droits de douane excessivement élevés. A ce propos, une étude de l’Alliance des éditeurs indépendants affirme qu’au Burkina Faso, l’investisseur doit payer plus de 50%, en sus de la Tva ou de la taxe de vente en vigueur. S’agissant du cas camerounais, Pierre Fandio, dans un article paru dans le revue Présence francophone nous rapporte cette anecdote : « Après la dévaluation du Franc CFA, les éditions Clé bénéficient d’un stock de papiers de l’Unesco, comme nombre d’éditeurs de la zone Franc. L’éditeur camerounais n’a jamais pu entrer en possession de cette aide désintéressée, car les autorités douanières ont exigé des droits de douane tellement élevés que le don revenait plus cher au bénéficiaire que du papier de même qualité acheté chez un importateur local ! » (N°59, Page 164).

Absence d’incitation publique. Vu les coûts prohibitifs des intrants, l’inaccès aux crédits bancaire, certains pays prévoient dans la politique du livre un certain nombre de mesures d’incitation, susceptibles d’alléger les charges qui pèsent en général sur l’activité éditoriale. Au nombre de ces dispositions, l’acquisition de livres pour le lecture publique et les subventions diverses. Or que se passe-t-il dans nos pays, je parlerais précisément du Cameroun.

Un projet de lecture publique a été mis sur pied, appuyé par la France, consistant à créer des bibliothèques municipales. Ces bibliothèques ont besoin d’avoir un fonds documentaire régulièrement actualisé. Ce qui aurait ou être une occasion pour l’Etat et ses démembrement (les communes concernées) de faire des acquisitions auprès des éditeurs ou libraires locaux. D’après nos enquêtes, c’est toujours la partie française qui, de temps en temps, effectue des acquisitions pour le compte de ces bibliothèques.

Un compte de soutien à l’activité artistique et littéraire a été mis sur pied par le président de la République et géré par le Ministère de la culture. Un fond qui en lui-même contribue, sans le savoir, à déstabiliser l’institution littéraire au Cameroun. Car, seuls les auteurs y sont éligibles et la plupart du temps, ils se contentent, une fois l’argent obtenu, de faire imprimer quelques exemplaires juste de quoi justifier au Ministère sa prétendue bonne foi. Un autre fait, les ouvrages scientifiques ne figurent que très peu ou pas du tout dans les listes. Pour se justifier, certains responsables au Ministère de la culture nous rétorquent qu’il existe au Ministère de l’enseignement supérieur des possibilités de soutien à l’édition d’ouvrages scientifiques.  Qu’en est-il alors des chercheurs indépendants, qui n’appartiennent à aucune Université ?

Une société civile nationale des droits d’auteur de la littérature et des arts dramatiques a été instituée par le gouvernement, chargé de collecter et distribuer et gérer les droits d’auteur. Dans nombre de pays, ces structures s’investissent dans le soutien à la création artistique et littéraire à travers les prix littéraires, l’organisation des résidences d’écriture et des subventions diverses à l’édition. Or, chez nous, plutôt que de prendre langue avec les structures éditoriales pour voir dans quelle mesure booster la production littéraire au Cameroun, la Sociladra a décidé  de faire payer aux éditeurs, les frais « d’estampillage des livres », allant de 200 francs à 1500 francs pour chaque livre en circulation au Cameroun.

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