« Taire les armes pour faire l’économie du sang des hommes »

24/05/2012 : « La mort de Bernard Zadi Zaourou est une perte catastrophique pour la pédagogie de la culture »

Entre l’homme et le poète, qui se porte le mieux aujourd’hui en Côte d’Ivoire ? Quelle place revient à l’écrivain dans la société ivoirienne contemporaine ?

Ce sont, en somme, ces questions qui sont au cœur du très intéressant entretien tenu entre le journaliste Ben Ismaël et Paul Ahizi, poète et ancien Président de l’Association des Écrivains Ivoiriens.

De précieuses questions auxquelles l’intellectuel apporte des réponses toutes aussi intéressantes : « Je vais mieux parce que la voix du poète s’élève et se dresse comme une épée de flamme. En plusieurs endroits, les poètes comme Victor Hugo, Pablo Neruda, Bernard Dadié, Wolé Soyika, ont fait taire les armes pour faire l’économie du sang des hommes. Je me sens bien comme poète ».

Pour Paul Ahizi, la Côte d’Ivoire est aujourd’hui un pays où le livre doit encore trouver sa place et où le niveau de la presse « a baissé » (« vide, mal écrite. Ce n’est plus des coquilles, mais de véritables fautes de grammaire ») ; un pays loin de l’époque des « journalistes de haut niveau : Hein Solo, Rosine Diodan, Gaoussou Kamissoko ».

L’intellectuel constate cependant que « la culture ivoirienne a fait du progrès, tout en résistant aux assauts extérieurs. C’est pourquoi je vous rappelle que Henriette Dagri, actuelle chancelière de la Côte d’Ivoire, historienne de formation, a écrit sur la vie du peuple Sanwi. Chaque aurore est une chance. Et, la jeune génération doit éviter d’être un éternel assisté ».

S’agissant de ce qu’il attend de l’actuel ministre de la Culture, Maurice Bandama, Paul Ahizi rappelle que « [c]haque personne a son identité et sa spécificité. Je veux dire que le ministre Maurice Bandama est un grand littéraire. Mais avec humilité, c’est moi qui ait ouvert les portes de la culture au ministre Bandama Maurice. Fort talentueux, il a dirigé l’association des écrivains ivoiriens, en qualité de secrétaire général. J’étais le président de l’Association ».

Et puis il y a cette grande perte que représente la mort récente de Bernard Zadi Zahourou pour la Côte d’Ivoire : « Je ne crois pas qu’un mot ou une simple phrase puisse affirmer qui était Bernard Zadi Zahourou. Tout simplement, la mort de Bernard Zadi Zahourou est une perte catastrophique pour la pédagogie de la culture ivoirienne. L’homme a tout simplement charmé la culture ivoirienne et africaine. Bernard Zadi Zahourou a contribué puissamment à l’évolution de la conscience, ivoirienne et africaine ».

P. Ahizi déplore cependant « la suppression du théâtre scolaire, par Bernard Zadi Zaourou, ministre de la culture en 1993. Il faut simplement rappeler que les ministères de la Culture, qui devraient être les dépositaires des grandes traditions de la vérité culturelle de la Côte d’Ivoire, sont banalisés et minimisés ».

Nous retiendrons enfin cette question du rôle de la culture africaine dans la compréhension de l’Afrique par l’Occident, à laquelle Paul Ahizi répond : « je suis très malade, quand on traite les Africains comme des « enfants ». Il appartient aux Africains de prouver aux « Blancs » que les Africains sont équilibrés, et dominent leurs nerfs. En toute sincérité notre littérature se porte bien, avec des exemples irréfutables : Bernard Dadié, Bernard Zadi Zaourou, Assoa Adiko, Jean-Marie Adiaffi, Amoa Urbain, Porquet Niangoran. Des hommes de culture qui ont dit la vérité littéraire africaine aux occidentaux ».

D’après un entretien de Ben Ismaël publié dans le quotidien L’intelligent d’Abidjan (en lien).

Ce billet est également publié sur le portail de la revue Africultures (en lien).

 

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