Antoine Gallimard et le coût du livre en Afrique

27/03/2012 : Antoine Gallimard : « On va baisser le coût du livre en Afrique »

Après Michel Lafon, c’est au tour de d’Antoine Gallimard d’évoquer les ambitions en Afrique de la maison qu’il dirige. Le propos de l’éditeur a été recueilli par Alex Kipré (journaliste à Fraternité Matin) durant le salon du livre de Paris.

Durant l’entretien, M. Kipré relancera une question plus ou moins devenue un poncif en ce qui la fameuse collection « Continents noirs » de Gallimard : « ne pensez-vous pas que vous parquez, catégorisez de cette façon la plume noire, [et finissez ] par la confiner dans un ghetto ? »

La réponse faite par le Directeur n’en reste pas moins intéressante : « Il ne faut pas voir les choses sous cet angle. Vu le besoin croissant de jeunes noirs, Africains, Guyanais, de se faire publier par nous, j’ai demandé à mon ami Jean -Noël Schifano (Ndlr : Il est lui- même écrivain ayant publié 5 livres) de procéder à une sélection d’ouvrages d’auteurs noirs et de les publier à l’intérieur d’une collection. Il le fait bien. Je le laisse gérer ce volet. Mais c’est un mauvais procès que de croire qu’on les confine, qu’on les parque dans un carcan. Il y a une réalité à ne pas perdre de vue, c’est que les références sociologiques africaines, par exemple, sont particulières et malgré leur beauté, la qualité de rédaction, elles peuvent ne pas passer vraiment partout. Est-ce pour cette raison qu’il ne faudrait pas les publier ? Je réponds « non ! ». Et la création de cette collection répond à ce besoin de donner une vitrine, une meilleure visibilité à la plume noire. C’est pourquoi, le procès que l’on veut nous faire est d’autant plus injuste qu’un écrivain comme Alain Mabanckou (Ndlr : écrivain congolais de 46 ans, lauréat du Prix Renaudot en 2006 avec Mémoires de Porc et pic, traduit en 16 langues. Il est également professeur de littérature aux Etats-Unis) est édité non pas dans la collection « continent noir » mais chez Gallimard. C’est la preuve que son écriture est universelle et passe bien. Je vous renvoie aux prix qui lui sont décernés et aux sollicitations dont il est l’objet. Pourtant il est Africain ».

Le journaliste interrogera encore M. Gallimard sur le prix du livre en Afrique. Des ouvrages qui couteraient « en Côte d’Ivoire 15 000 FCFA, pratiquement la moitié du Smic ? »

La réponse laisse envisager de prochains développements, que nous ne manquerons pas de suivre avec attention : « Oui et c’est regrettable. Mais rassurez-vous, je ne reste pas les bras croisés. Nous, en tant qu’éditeur, nous allons quasiment annuler notre marge bénéficiaire. Nous avons également approché les auteurs qui ont donné leur accord, pour renoncer à leurs bénéfices et privilèges en Afrique, de façon à baisser les coûts du livre. Vous verrez, très bientôt, nous proposerons des livres très bon marché ».

Nous évoquions récemment les projets de l’éditeur Michel Lafon, partenaire des éditions Fratmat (volet éditorial du quotidien), lui aussi engagé dans une démarche de baisse du prix du livre en Afrique (voir notre billet à ce sujet). Des bonnes intentions donc, qui se fondent néanmoins sur une vision tout à fait erronée des marchés du livre en Afrique. De nombreux éditeurs s’engagent aujourd’hui à produire des ouvrages à des prix abordables. On pourrait aussi parler de l’Alliance Internationale des Éditeurs Indépendants et ses coéditions solidaires. Pour information, le prix d’un ouvrage issu de la collection « Terres solidaires » de l’Alliance ne dépasse guère 2000 FCFA. Il y a les réalités éditoriales et les préconçus. Certains lieux communs sur le livre en Afrique n’ont que trop perduré.

D’après un article d’Alex Kipré publié dans le quotidien Fraternité Matin (Côte d’Ivoire).

Ce billet est également publié sur le portail Web de la revue Africultures (en lien).

 

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