Un collectif défend la liberté d’expression au Maroc

11/05/2012 : « Tribune : Pour une culture libre au Maroc »

Karim Boukhari, Directeur de l’hebdomadaire TelQuel et membre fondateur du Collectif Culture Libre, publie une tribune intitulée « Pour une culture libre au Maroc ».

Dans son texte publié le 11 mai 2012, ce dernier déplore les conséquences de l’investissement des responsables politiques en fonctions en janvier 2012 : « le gouvernement à majorité islamiste a investi le champ de la culture comme le ferait un sculpteur en face de son œuvre : par couches, tout en douceur. De nouveaux cahiers de charge sont venus astreindre la télévision et les médias publics à de nouvelles missions éditoriales : un plus grand usage de la langue arabe (pas de la darija, perçue comme un danger pour l’arabe classique, langue du Coran, et un allié des langues étrangères, considérées comme profanes), une plus grande place à la religion (la retransmission quasi généralisée des appels à la prière, tache qui revenait jusque-là à une seule télévision, Al Oula). Les émissions de jeux et de divertissement, ainsi que les projets de fiction (téléfilms, sitcoms), seront soumis à l’avis d’une commission dont les membres sont agrées par le Conseil d’administration (dans lequel siègent des membres du gouvernement) ».

Pour K. Boukhari, « peu d’audaces risquent d’échapper à ce filtre institutionnel », un contrôle qui multiplie la censure : « En quatre mois d’exercice, le gouvernement a déjà censuré une dizaine de journaux étrangers, français ou espagnols, coupables d’avoir diffusé des caricatures représentant le prophète de l’Islam ou des extraits d’un livre critiquant le palais (Le Roi prédateur, éditions du Seuil). D’autres livres n’ont pas trouvé leur chemin jusqu’au lecteur marocain : c’est le cas, notamment, de Paris Marrakech, qui dépeint la face sombre de la ville rouge et les vicissitudes des rapports franco marocains. C’est le cas, aussi, d’un livre, Le Dernier combat du capitaine Ni’mat de Mohamed Leftah, publié à titre posthume et décrivant les relations homosexuelles entre un militaire à la retraite…et un serviteur noir nommé Islam. Pour l’anecdote, le livre a obtenu un prix littéraire au Maroc, celui de la Mamounia en 2011. Ce qui ne l’a pas empêché d’être interdit… »

« Le contrôle du produit culturel et des moyens de communication répond à une variété de formes. Quand ce n’est pas le gouvernement qui mène la chasse aux sorcières, c’est monsieur tout le monde qui s’en occupe […] : Qu’elle soit le fruit de l’État, ou simplement du public, l’intimidation peut, parfois, aboutir. Cela fut le cas à Marrakech où un festival de danse orientale, le « Belly Dance », vient d’être purement et simplement annulé sous la pression du public ».

C’est dans « ce climat de peur », « de censure » mais aussi « d’autocensure », que le Collectif Culture libre (créé début 2012) publie un manifeste intitulé «La culture est libre et doit le rester » (en lien) avec « appel à signatures ».

Pour signer la pétition : petition@culturelibre.ma.

« Ce n’est pas simplement le gouvernement à majorité islamiste qui nous préoccupe, mais le répondant qu’il semble trouver auprès d’un public de plus en plus large », ajoute Karim Boukhari.

Il conclut : « L’uniformisation du produit culturel est une réalité qui gagne du terrain. Elle emprunte des voies institutionnelles et « anarchiques » à la fois. Elle menace, à terme, de faire reculer la barre du possible et du toléré, créant au passage une nouvelle norme, un nouveau seuil de créativité, de plus en plus bas. Notre combat ne fait que commencer ».

D’après un article de Karim Boukhari publié sur le portail Web Slate Afrique (en lien).

 

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